Celle-là était attendue et seul un ouragan nous aurait empêché de gravir le doux dénivelé qui conduit au 821 mètres d’altitude de la terrasse du mont Beuvray, siège de l’oppidum de Bibracte et du peuple éduen proche de Rome, dont les fouilles archéologiques semblent sans fin ; Vercingétorix y fut couronné roi des Gaules, Jules César y rédigea une partie de la “Guerre des Gaules” et, nettement plus tard, Napoléon III, dont l’intérêt pour les stratégies militaires de César est connu, y finança abondamment de nouvelles fouilles alors que le site venait juste d’être (re)découvert par Jacques-Gabriel Bulliot, un érudit local, en 1851.
Tout le monde gagnait à effectuer cette balade, entre aspects historiques documentés par des étapes discrètement insérées dans le paysage, et randonnée sylvestre avec point de vue exceptionnel sur le Morvan du sud et plus loin sur le Puy-de-Dôme et le Mont-Blanc ; mais pour les distinguer, outre une excellente vue, il aurait fallu un temps clair.
C’est au retour au van, rincés par les efforts et enthousiastes après cette sortie enfin effectuée par beau temps que nous avons acté notre décision de quitter le Morvan pour regagner nos pénates, par étapes. La première nous a conduit en plein cœur de la forêt de Tronçais, dans l’Allier, dans un camping dont j’avais remarqué l’existence l’année dernière et d’où s’est immédiatement dégagée une étrange et bienfaitrice sensation de liberté, sans doute due à l’immensité du parc et au fait que nous ne sommes pas les uns sur les autres -il y a un grand nombre de possibilités d’activités sportives, ce qu’a immédiatement remarqué Mattéo-, due également à l’accueil tout en rondeur de Lisbeth et plus tard de Simon, couple d’anglais de Blackburn qui ont repris le camping à des néerlandais qui y travaillent encore pour s’occuper, due enfin et peut-être surtout au simple fait que personne ne parle français dans ce camping et qu’on se rend compte alors à quel point nous sommes, nous les hexagonaux, parfois coincés, étriqués et souvent égoïstes ; pour preuve, cette soirée karaoké lunaire voulue par les anciens proprios bataves, au début amusante, puis définitivement détestable quand la seule tablée française, sous l’impulsion d’un leader festif nourri aux amphétamines, s’est évertuée à massacrer pendant plus de deux heures le répertoire francophone sans égard pour les autres. J’ai terminé la soirée en me gavant de musique au casque, manière comme une autre de me nettoyer les oreilles.
UPDATE (au bar du camping, sirotant un verre de blanc). Lors d’une discussion avec Flo, il est apparu évident que les proprios anglais (qui ont un regard affûté sur nos habitudes typiquement françaises, notamment administratives) ainsi que les néerlandais (dont on reste sidéré par la liberté qu’ils offrent à leurs progénitures sans pour autant que celles-ci en privent les autres par trop de cris ou trop de jeunesse) ont un avantage fondamental : ils sont heureux d’être vivants. Renversons alors le paradigme : ce sont les français, ces champions du monde de la consommation d’antidépresseurs, ces pessimistes qui se pensent malheureux au même titre que des yéménites ou des pakistanais, qui sont le problème. Dans ce camping essentiellement peuplé de bataves aussi blonds que souriants, dès lors qu’on compare avec les campings précédents, c’est aussi évident que le nez au milieu de la figure : les français sont, globalement, chiants.