Au matin, nous avons quitté le Champ de la Chapelle, Simon, Lisbeth et Jane (dont comprendre l’accent de Liverpool demande la même abnégation qu’un bûcheron qui s’apprêterait à tailler un séquoia à la fourchette) avec en tête l’idée d’y revenir pour une halte si d’aventure nos pérégrinations futures nous amenaient dans les parages. Pas de grands blancs les uns sur les autres (précisons que le kilomètre défoncé qui conduit au camping depuis la départementale doit donner des sueurs froides aux camping-caristes et faire craindre le pire pour les essieux), pas trop de compatriotes agglutinés, de saucisses grillées et de canettes de bière descendues façon piste noire, mais de l’espace, du calme, une nature abondante et de la gentillesse ; tout est réuni pour une nouvelle visite.
Le chemin du retour vers la maison est une horizontale qui, depuis l’Allier, traverse le Cher, l’Indre, la Vienne, les Deux-Sèvres avant de terminer sa course rectiligne par la Vendée ; une France rurale et délaissée, sans l’ostentation des pôles touristiques, dont chaque village revendique peu ou prou ses festivités estivales, ses particularités patrimoniales, culturelles et historiques.
Une étape s’imposait sur cette route du retour, comme un pèlerinage littéraire ; revenir à Nohant dans la maison de George Sand, plus de trente ans après, c’était aussi transmettre à Mattéo notre admiration pour la patronne des lieux, pour qu’il apprenne que Sand écrivait la nuit dans ce minuscule cabinet de travail qu’on aperçoit à l’aide d’une psyché (on n’entre pas, le parquet est fragile) -toujours émouvant de voir des pages écrites de sa main-, que Chopin, voûté sur son Pleyel, composait à l’étage dans la journée, c’est revoir la salle à manger où un plan de table chronologiquement impossible mais vertigineux (Sand et son fils Maurice, Flaubert, Chopin, Tourgueniev, Pauline Viardot, etc.), c’est découvrir le théâtre que Sand avait fait construire et où ses pièces étaient jouées comme celles de certains de ses contemporains, etc. Revoir cette maison, comme on visite une vieille amie.
Certaines choses n’ont pas changé parmi lesquelles deux m’ont fait l’effet d’une réminiscence parfaitement proustienne : l’odeur de l’escalier principal et, surtout, le portrait d’Aurore Dudevant, la petite fille de George, peinte par son mari Frédéric Lauth ; je serais volontiers resté plus longtemps devant cette toile, tout comme je suis resté devant la Marie-Madeleine du Pérugin dans une salle perdue de la galerie Palatine à Florence.
Puis nous avons traîné dans les allées extérieures et, pour finir, nous avons rendu une dernière visite à George, enterrée dans le cimetière familial attenant aux jardins. Déjeuner sur place, puis retour à la maison, sous la pluie, pour conclure la saison 02 de la série de l’été commencée en Auvergne, probable théâtre de la saison 03 dans les jours à venir.