Nous le savions, cette journée nous verrait enquiller beaucoup de kilomètres sinueux pour nous extraire de cette Ardèche qui reste à découvrir et plus nous nous rapprochions d’Alès, plus nous sentions l’imminence de la ville dans tout ce qu’elle transpire de plus repoussant. Ce n’est pas tant de la faute d’Alès, que nous avons simplement contourné, une ville dont le centre historique offre à n’en pas douter des lieux sympathiques et des activités qualitatives, que la faute à cette irrépressible besoin qu’ont eu des promoteurs -sous la bienveillance des mandatures qui se sont succédées- de planter des zones commerciales à chaque point cardinal de la périphérie, chacune étant reliée à l’autre par une « rocade » où chaque giratoire provoque des ralentissements qui font transpirer le moteur du van. Ces endroits sont d’une laideur absolue, rivalisent de vulgarité et drainent des foules qui errent d’un magasin de literie à un supermarché, d’une station essence (dont nous fûmes par précaution) à un concessionnaire automobile, d’une animalerie à un Love Shop dont la vitrine sans filtre ne laisse aucune place à l’imagination. Et c’est dans ce contournement que pour la première fois depuis des jours que nous avons baissé les vitres et enclenché la clim’ du van ; la pollution nous avait instantanément provoqué des picotements dans le nez ou la gorge.
Nous avons dépassé Anduze qui avait, un instant, constitué une étape, mais le tourisme, dans ces espaces de garrigues et de vignes, se conjuguent au pluriel excessif, exceptionnel et méconnu mode de la conjugaison française qui implique qu’à un grand nombre d’individus s’ajoutent exponentiellement, à mesure qu’on se rapproche des rivières constellées de canoës en plastique multicolore, des foules en bermudas, claquettes et maillots de foot, dont le seul objectif grégaire est de bourrer les hôtelleries de plein air ; c’est tellement vaste qu’on ne peut plus les appeler des campings, d’ailleurs il n’y a plus de toiles de tente. On file, on trace, on efface ; nous verrons Vézénobres, Anduze, Saint-Jean du Gard et consorts une autre fois, ou pas ; il restera toujours tant de beaux endroits à découvrir.
Nous avons donc choisi de nous poser à Laroque, cette fois dans l’Hérault, dans le Piémont cévenol, à quelques cinquante kilomètres de la Méditerranée qu’on croirait découvrir, scintillante et unique comme dans un rêve d’enfant qui voit la mer pour la première fois, à chaque courbe à flanc de montagne ; mais le relief de cette partie des Cévennes est capricieux et il y aura toujours une colline pour nous masquer la Grande bleue.
Laroque est une ville sans grand intérêt et n’est qu’une étape à l’ombre des platanes, au bord de l’Hérault, douce rivière qui, à cette étape de son parcours, entre sa source proche du Mont Aigoual et avant de finir sa course dans la mer, a accepté un instant notre baignade, moyen idéal de nous rafraîchir dans ce début de canicule. Quant au département de l’Hérault, il ne nous hébergera qu’une journée, demain, avant d’entamer notre remontée via l’Aveyron ; une journée seulement car comme le disait Bowie : we can be Hérault, just for one day.