Nous ne pouvions quitter l’Hérault sans faire un crochet par l’un des plus beaux endroits que propose ce département qui aujourd’hui bombe son torse aride pour en découdre avec la chaleur. Il y a de cela quelques années, Saint-Guilhem-le-désert m’avait été suggéré par une amie. Or, comme aucun de nos périples n’étaient jamais passés dans cette partie de l’Hexagone, ce village médiéval était resté un point sur la carte, une marque numérique pour ne pas oublier sa présence, une hypothèse de parcours, jusqu’à ce matin. Par précaution, à la fois pour éviter la foule du samedi mais surtout pour nous épargner les grosses chaleurs promises par les gourous de la météo, nous avons décidé de mettre un réveil, résolution rarissime mais nécessaire pour débouler trois quarts d’heure plus tard sur le méga parking du Pont du diable à une heure décente, ni trop chaude ni trop surchargée.
Saint-Guilhem a tenu les promesses que m’avaient faites mon amie ; ce village a conservé une âme et ne s’est pas compromis dans les affres inhérentes au tourisme de masse. Ces dernières années, nous avons flâné dans de nombreux villages dits de caractère, ou encore qualifiés de pittoresques, dans le Périgord ou en Alsace, en Bretagne ou dans les Pyrénées, et certains d’entre eux dont je tairai le nom par décence, ne sont plus que des musées de carton-pâte pollués non pas tant par les touristes qui s’y pressent mais bien plus par des boutiques de pseudo artisans qui exploitent les faiblesses des vacanciers en leur vendant à des prix parfois obscènes des objets manufacturés en Asie. Saint-Guilhem n’est pas de ceux-ci. Toutes en longueur et en douce montée, les ruelles de pierre ont conservé une authenticité réjouissante, et les artisans qui proposent leurs créations procèdent d’une filiation avec les métiers anciens tels qu’ils étaient pratiqués des siècles plus tôt. La place principale est présidée par un arbre planté en 1855 et l’ombre qu’il offre embrasse tout le quadrilatère jusqu’aux portes d’entrée de l’église de l’abbaye de Gellone. Particulièrement photogénique, ce village est à revoir sous différentes saisons.
Au retour, en quittant la navette qui nous descendait de Saint-Guilhem (quel bonheur de se faire véhiculer, ne serait-ce que pendant quatre kilomètres), nous avons décidé d’aller de nouveau piquer une tête dans l’Hérault, mais cette fois dans un décor de carte postale puisqu’il s’agissait de se baigner au Pont du Diable, un édifice roman de plus de mille années, hyper fréquenté mais supportable, trempette idyllique et méridienne juste avant de retrouver la fournaise du van.
Autre site que je voulais absolument admirer, le Cirque de Navacelles est à une quarantaine de minutes du Pont du Diable, par des routes de montagne tortueuses ; on est toujours dans les Cévennes et quand on monte un col, ça file le tournis. Puis, une fois arrivé aux 700 mètres d’altitude du bien nommé Col du vent, on déboule dans un décor de western ; le causse est sec, jaune et peu accueillant, mais il est sublime de majesté, d’espace et de liberté. Quelques minutes plus tard, nous avons garé le van à La Baume Auriol, une esplanade qui permet un accès vers le vertige. L’an dernier, nous avions visité une nouvelle fois le trou de Bozouls, dans l’Aveyron et nous avions une fois encore été sidéré par la beauté du lieu. Le Cirque de Navacelles mettra tout le monde d’accord et fera passer Bozouls pour un sympathique nid de poule. On aimerait faire rentrer tout le paysage dans l’appareil photo mais c’est impossible ; au fond de ce gouffre profond d’environ 300 mètres traversé par la Vis, la rivière qui pendant des milliers d’années a creusé ce cirque, loge le village de Navacelles dont on se demande comment font les habitants pour y mener une vie normale, et de chaque côté, dans des lignes parfaitement symétriques, fuient les méandres de la Vis. On peut y descendre mais nous nous sommes contentés de rester sur les bords du vide ; ras le bol des virages, on en a mangé jusqu’à l’overdose ces derniers jours et ceux-là, pourtant forts prisés par une escouade de motards dont la pétarade a résonné à mesure qu’ils remontaient les lacets vers Blandas, de l’autre côté du Cirque, nous auraient probablement provoqué une indigestion superflue.
Et nous voilà de retour en Aveyron, à Nant, dans les gorges de la Dourbie, quasiment trois ans jour pour jour après notre premier passage. Demain, cap au nord.