Gilles BLB

Photographies et modestes carnets de voyages

Corrèze, Printemps 2023 – #1

Meyssac. Ici, la terre est rouge. Les sols sont gréseux. C’est du grès, du grès rouge, et de l’argile, rouge aussi. Meyssac est posé sur une faille qui remonte au jurassique, les géologues sont ici chez eux et planent comme des métalleux au Hellfest.

Ces derniers jours, il a plu et la terre est parfois écarlate, malléable, désirable ; on a envie d’y mettre les mains et de s’imaginer potier. Mais on marche, direction la Chaise du diable. Une boucle de 14 km, avec un D+ de près de 500. Temps idéal, moyen, sans aspérité. Je pars, il n’est pas 10 heures.

Retour arrière.

Parti du lycée vers 15h45 pour cinq heures de route. Cette diagonale vers les contreforts du Massif central est insupportable d’ennui, qu’on aille vers la Creuse ou vers la Corrèze. C’est un chemin transversal, à l’opposé des verticales qui suintent de Paris. Le pire est le contournement de Limoges, ville d’une laideur accablante (cette fois pas de combat de pies, private joke), de bouquets de feux tricolores, d’immeubles sans âme et de radars en bout de descente (30 km/h, les vaches).

Arrivée à Argentat-sur-Dordogne vers 20h30. Nuit devant le municipal, sur le parking réservé aux clients… que je ne serai finalement pas. Au matin, je file vers le point de départ de ma première promenade… et me trouve devant l’impossibilité de me garer car les proprios de la maison en face de cet ersatz de parking où je voulais poser le van ont dressé une chaîne pour empêcher tout stationnement. Impossible de laisser l’engin ailleurs, ou alors consentir à ajouter 5 km de plus à une rando qui en propose déjà quinze. Pas envie de perdre tous mes points de vie dès le premier jour, je décide de filer vers ce qui devait être mon jour numéro deux, et me voilà, 35 minutes plus tard, à Meyssac.

Pas d’échauffement, cette balade te met dans le dur dès les premiers hectomètres ; un raidillon infini achève de te réveiller les cuisses mais rien d’impossible. Les chemins creux, c’est le paradis des piafs, et le pépiement des plus jeunes, dont les nids invisibles parsèment les arbres, achèvent de réveiller mes tympans encore endormis. A mi-chemin, alors que j’avais la forêt pour moi tout seul, et après une montée qui m’a agacé le palpitant, je suis tombé nez-à-nez avec le but de la balade : la chaise du Diable.

Une légende locale prétend que Satan, depuis son trône, y préside les nuits de sabbat en l’honneur du dieu Saturne, avec des animaux fantastiques, mi-chat, mi-chauve-souris. Je ne suis pas passé au bon moment, l’endroit était plus calme que le jardin d’une maison de retraite. A propos de seniors, une autre légende veut que quiconque viendrait à s’asseoir sur cette chaise verra sa vie prolongée de cinquante ans. J’ai évidemment posé mon séant dans cette chaise en grès ; si la légende dit vrai, va falloir me supporter encore un peu.

Sur le plateau, un long chemin nous mène à un hameau (oui, en grès rouge, oui) avec des maisons sublimes, un hameau dont on se demande comment l’on y vient et comment l’on y vit. Un bout de vie en dehors de tout, avec un horizon dégagé. Je me suis arrêté un instant pour admirer et un peu envier cet isolement.

Puis la descente déroule ses virages, bucolique, toujours en forêt mais avec des trouées qui laissent voir Collonges-la-rouge. Et puis la rencontre. LA RENCONTRE. On va faire bref, j’ai rencontré un lama. C’est sans doute normal, je n’ai pas cherché à comprendre.

Mais non, en fait, CE N’EST PAS NORMAL DE RENCONTRER UN LAMA DANS UN CHEMIN CORRÉZIEN.

Je m’y connais très peu en lama. Quelques chansons, peut-être : “Je suis malade”, “D’aventures en aventures”, etc. Mais les bestiaux, rien. Donc, approche à pas de loup, mais attitude dégagée du randonneur qui a croisé des guanacos par paquets de cent en Patagonie. Lui me remarque et traverse un chemin d’environ un mètre de large pour se hisser sur un surplomb.

L’air de rien, je sors mon appareil photo, cadre comme je peux, et saisis le camélidé rapidos. Son air arrogant m’a rappelé quelques personnes dans mon entourage professionnel, puis je me suis souvenu très vite que c’était certainement le signe avant-coureur d’un jet de glaviot pour me repousser, moi l’importun. Merci pour la photo, bye.

Après, forcément, c’est fade. Même l’arrivée sur Collonges-la-rouge dont les toîts resserrés brillent au soleil, Collonges où j’irai peut-être demain matin, tôt pour éviter la foule.

Collonges, j’y suis allé enfant, avec mes grands-parents. C’était le village de Maurice Biraud, acteur et homme de radio. Il était dans son jardin, des gens le regardaient. Puis j’y suis retourné il y a quelques années, avec Maxou. Maurice Biraud était mort depuis belle lurette (infarctus en plein Paris), mais le village n’avait pas changé. Tiens, demain j’irai sur sa tombe, ce sera plus sympa que les échoppes à touristes.

Pour l’heure, après plus de trois heures, arrêts buffet compris, et un petit ajout kilométrique pour visiter les vieux quartiers (rouges), je suis posé au camping de Meyssac où le marchand de sable va passer tôt ce soir, et sans s’arrêter malgré les mokas distillés par ma Bialetti.

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