On le sent quand il faut repartir, tous les indicateurs sont au vert : les détecteurs de mouvement s’affolent et les fourmis grésillent dans les jambes. Et cet après-midi estival a confirmé les sensations du matin : la foule arrive touristiquement, avec son cortège de comportements erratiques qui transforment en vacarme l’espace bucolique qu’on avait fait nôtre vingt-quatre heures plus tôt, qui métamorphose notre adorable petite prairie à l’écart en salon du camping-car. Je sens quand il faut partir, je le sais depuis l’aube du monde.
Flashback, autre départ. Encore quelques nuages mais très vite oubliés. On s’éveille, on petit-déjeune, puis c’est la dégringolade vers la plage de Béhec. Une fois en bas, on fait semblant de regarder autour de nous histoire de reprendre notre souffle (oui, les descentes essoufflent), puis c’est l’ascension d’une première falaise. Une ascension à la Pentecôte, on a fait moins mystique. La foulée se fait brève, enfin pas pour le fils et ses grands compas, et quelques encablures suffisent pour nous hisser en altitude. A main droite, en-dessous du vide, les bâteaux rétrécissent à mesure que notre chemin progresse. On grimpe, les cuisses et les fessiers nous engueulent, fâchés d’être asservis si tôt. Au sommet, vue magnifique ; et un peu de plat, du répit pour les rotules. Puis une nouvelle descente ; le GR34, ses hauts et ses bas. Une pente infernale, dans le genre piste noire, nous projette vers la plage de Pors Pin. Des vans ont passé la nuit ici, promesse est prise avec le fils de passer une prochaine nuit dans pareil endroit. Ici, le tumulte est chez lui, c’est celui des lames qui s’écrasent sur la grève et non celui des hommes qui braillent en surveillant les braises.
La falaise qui remonte vers la pointe Minard me fait envie mais cette gourmandise serait de trop pour le fils qui opte pour un retour par les champs. C’est peut-être mieux ainsi, la gourmandise est un vilain défaut que j’aurais sans doute payé cher. C’est donc le chemin du retour. A Béhec, on reste un peu, comme à l’aller. On fait mine de lire les cartes des restaurants où l’on ne déjeunera pas, on visite les toilettes publiques, cela aurait pu attendre le camping mais c’est une manière comme une autre de reculer l’échéance : il faudra avaler la centaine de marches et le chemin qui remonte au van.
Le reste de la journée est consacré au repos, au farniente dans son acception la plus lexicographique : une douce oisiveté, un état d’heureux inaction. Et nous avons brillé dans notre respect du dictionnaire : repas, sieste, lecture, musique, piscine. A partir de 15 heures, arrivées multiples et interrégionales, on ne dépassera presque plus notre périmètre. En fin de journée, je prépare le périple du lendemain, des sauts de puce sur la route du retour.